Motion contre la LPR, uberisation de l’ESR, égalité femmes-hommes
Le CA s’est réuni ce vendredi 28 mai de 9h à plus de 16h. Voici la position de l’intersyndicale Résistons ! sur certains points forts de ce CA :
1. Motion contre la mise en application de mesures phares de la LPR
Dans un contexte où le Ministère impose à marche forcée les décrets d’application de la LPR, nous avons proposé une série de motions engageant le CA à ne pas mettre en œuvre certaines de ses mesures phares: les chaires de professeurs juniors (ou tenure tracks), les CDI de missions scientifiques, et les dérogations expérimentales à la qualification des MCF.
Pour rappel :
La Loi de programmation de la recherche (LPR) a introduit la possibilité de mettre en place des chaires de professeurs junior (« tenure tracks »). Des chercheurs ou enseignants-chercheurs en CDD seraient recrutés pour 3 à 6 ans, avec des règles différentes de celles des personnels fonctionnaires, avec une possibilité de « titularisation » directe en tant que Professeur d’Université (PU) ou Directeur de Recherche (DR). Ces chaires de professeur junior constituent une remise en cause profonde du statut de fonctionnaire d’État des personnels et menacent les corps des Maître·sses de conférences (MCF) et des Chargé·es de recherche (CR).
La LPR introduit également la possibilité de mettre en place des « CDI de mission scientifique ». Ces « CDI de mission scientifiques » s’arrêtent avec la « réalisation des missions » et peuvent « être rompus lorsque le projet ou l’opération […] ne peut se réaliser ». Le départ (décès, mutation, départ en retraite…) du porteur d’un projet ou l’arrêt du financement du projet deviennent des motifs de fin de contrat. C’est une nouvelle forme de précarité et un nouveau coin enfoncé contre la pérennité d’emplois qui doivent être occupés par des fonctionnaires.
Enfin, la LPR introduit aussi la possibilité de déroger de façon « expérimentale » à l’obligation de qualification par les sections du CNU pour concourir à certains postes de maître·sse de conférences.
Nous n’avons pas réussi à obtenir d’engagement ferme, car le VP CA estime que ce serait risquer de se mettre en porte-à-faux, dans le cas où « ces mesures permettraient la création nette d’emplois » (sic). Sous prétexte de résorber le chômage et face au manque crucial de postes devrions-nous accepter une précarisation accrue de l’ESR et la destruction de nos statuts sans rien dire ? Telle n’est pas notre position.
Les CA a tout de même réussi à se mettre d’accord collectivement sur la motion suivante, adoptée à l’unanimité et dont nous avons demandé la publication sur le site de l’université :
Le CA de Paris 8 réuni le 28 mai 2021 rappelle son attachement au statut de la fonction publique et aux modalités de recrutement des fonctionnaires, enseignant·es-chercheur·es et BIATSS. Il marque sa défiance devant tout dispositif qui menacerait le statut des collègues travaillant dans les universités et introduirait des disparités : chaire de professeur junior, CDI de mission scientifique, et dérogation à la qualification MCF. Il demande la création massive d’emplois de titulaires pour faire face aux besoins d’enseignement et de recherche dans le cadre d’une augmentation importante des effectifs.
À noter : la Présidence a pris l’initiative de constituer un comité de suivi des conséquences de la LPR qui sera composé d’élu·es EC, BIATOSS, et étudiant·es issues des différentes listes.
2. Référentiel enseignant·es-chercheur·es : l’uberisation de l’ESR !
Déjà bien recadré par nos représentant·es au Comité technique lors de sa réunion du 18 mai, la direction a commencé à présenter le sujet en prenant cet engagement : « Il n’est pas question d'avoir un référentiel pour envisager d'une quelconque façon que ce soit une modulation des services ».
S’en est suivi une longue et fastidieuse présentation du référentiel par les personnes qui ont travaillé le sujet avec le « bureau des directeurs de composantes ». Il s’agit pour l’instant d’adopter le 1er volet de ce référentiel, qui concerne les suivis de stages, de mémoires, et de projets tuteurés. La direction a à cœur de maîtriser les dépenses car toutes les tâches reconnues coûtent cher et il ne faudrait pas tomber dans l’écueil d’autres universités qui ont dû faire machine arrière. À ce stade, l’accroissement du coût est estimé de 0,5 à 1 millions d’euros, ce qui serait envisageable et soutenable.
Le 2ème volet est en cours d’élaboration. Ce référentiel, susceptible d’ouvrir une porte à la modulation des services participe de l’érosion du statut d’enseignant·e-chercheur·re. À ce titre, les élu·es CGT et SNESup siégeant au CT ont exigé que la suite du travail fasse l’objet de négociations avec les organisations syndicales. Cela semble avoir été entendu puisqu’on nous a dit qu’il devrait être l’objet de discussions avec les syndicats représentatifs (ayant des élu·es au CT) et qu’il devrait être présenté dans les différents conseils… mais il ne faudrait pas non plus qu’il « se noie dans de trop vastes consultations » (sic).
Les élu·es Résistons ! ont soulevé plusieurs points suite à cette présentation :
- Le Comité technique s’est exprimé majoritairement contre le référentiel, sans aucune voix favorables.
- Le Conseil des composantes n’est pas censé être une instance décisionnelle et encore moins pour ce qui concerne les statuts des EC. Les directeur·ices d’UFR ne sont pas nos représentant·es (n’en déplaise à certain·es membres de la Direction qui estiment qu’être élu·e à la Direction d’une UFR équivaudrait à avoir carte blanche dans l’interface entre les composantes et l’administration ; ou bien, plus simple : qui confondent délégation de signature avec délégation de pouvoir… une autre vision de la démocratie).
Or, nombreux·ses sont les collègues des différentes composantes de l’Université qui ne sont pas du tout mis·es au courant de ce qui se discute et se décide dans ce Conseil des composantes et/ou au « bureau des directeurs de composantes ». Aucun compte-rendu n’arrive jusqu’à nous. Nous ne sommes absolument pas d’accord avec ce type de fonctionnement. - C’est bien d’avoir un engagement à ne pas mettre en œuvre la modulation des services sous cette mandature mais il reste que la mise en place de ce référentiel déroule le tapis rouge à ce type de pratique qui sabordent les statuts des EC en facilitant leur mise en œuvre future.
- Les rémunérations prévues dans le cadre de ce référentiel seront dans la plupart des cas des heures complémentaires et rarement des décharges, vu la limitation de ces dernières (ainsi, pour le premier volet, pas plus de 12h prises sur le service à l’exception de la coordination des stages) et la situation réelle sur le terrain. Mais ce n’est pas d‘un référentiel dont nous avons besoin, mais de nouveaux et nouvelles collègues titulaires et, comme en a fait part un élu de la majorité, d’un appui administratif.
Dans ses réponses à nos remarques, la direction a reconnu la nécessité de plus de transparence mais a fait preuve d’une condescendance difficilement supportable (on nous demande de deviner que des compte-rendus du Conseil des composantes existent alors qu’on n’en a jamais vu la couleur, il est sous-entendu que nous attendrions ce référentiel pour nous occuper correctement de nos suivis de stages (!), il semblerait aussi qu’il « reste à prouver » que nous ne sommes « ni des tyrans ni des hystériques »). La Présidente s’est dit être dans l’incompréhension totale face à la levée de bouclier contre le référentiel au CT.
Le vote au CA a d’ailleurs réitéré le message du CT concernant le référentiel, avec un minorité de votes favorables (8 abstentions, 9 contre, 13 pour). Le 1er volet du référentiel est donc adopté par une minorité qui passe en force.
Il est important de comprendre pourquoi nous sommes fermement contre ce type de dispositif de rémunération : il s’agit de la mise en place d’une rémunération à la tâche qui s’oppose fondamentalement à l’esprit de la fonction publique dans laquelle nos salaires sont attachés à nos personnes et pas au poste, ou pire, aux tâches effectuées. Il s’agit de deux visions totalement opposées du travail : celle du statut de la fonction publique face à celle de l’uberisation. Cette reconnaissance de la qualification personnelle dans la fonction publique était une avancée politique majeure sur laquelle il est intolérable de reculer. C’est par exemple en vertu de ce principe qu’il n’est pas possible de réduire le salaire dans la fonction publique, même en changeant complètement de corps. C’est pour la même raison que nos organisations syndicales demandent une revalorisation des salaires et ne se satisferont jamais d’une amélioration du régime indemnitaire par les primes. Est-ce un hasard si la politique indemnitaire des enseignantes-chercheur·es et donc la modulation qu’elle imposera est à l’agenda du Ministère dans les semaines à venir ?
3. Plan d’action pour l’égalité femmes-hommes
La direction a présenté un plan en 4 axes pour se conformer au cadre réglementaire suite à l’accord relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique du 30 novembre 2018. Plutôt que d’en faire des copies partielles, nous vous laissons retrouver le contenu de ces documents :
Suite à ces présentations, des élu·es des listes « Solidarité étudiante » (SÉ) et « Le Poing Levé » (LPL) ont soulevé plusieurs points que nous jugeons pertinent de partager ici :
- SÉ : Les cellules et commissions ne sont pas des instances statutaires : quid de la vigilance quant à leur respect de la parité ?
→ Ça fait partie des objectifs. - SÉ : Quel statut des emplois étudiants au sein de ces instances (service civique ?) ?
→ Statuts classiques des contrats étudiants. - LPL : Pourquoi ne pas relancer la crèche de P8 ?
→ Il serait question de norme des locaux et de qualification des agent·es.Une réponse qui n’en est pas une puisque des locaux ça se rénove et des agent·es, ça se recrute…
Il a plus tard été fait un point d’information sur le bilan du suivi des violences sexistes et sexuelles par l’association Women Safe avec laquelle l’Université travaille.
Il est question d’un très faible nombre de cas : il faut clairement mieux communiquer sur les procédures de signalement et les faciliter.
Un certain nombre de cas sont dit « résolus » sans qu’on sache vraiment ce que signifie le terme dans ces circonstances. Nous proposons que des précisions soient demandées à Women Safe à ce sujet.
Est en cours de réflexion la mise en place d’une nouvelle vice-présidence « Droits fondamentaux et libertés académiques » qui travaillerait en collaboration avec les chargé·es de missions « égalité femmes-hommes », « université inclusive », et « racisme, antisémitisme, et laïcité ».
4. Vite fait, bien fait
Voici d’autres points de l’ordre du jour, exposés ici sans que nous ayons cru utile de les commenter davantage :
- Point d’information sur le PIA4 « l’excellence sous toutes ses formes ». Deux gros projets co-portés par Paris 8 : un avec l’UPL et un avec le Campus Condorcet. On en retient que ce sont des usines à gaz qui mobilisent énormément d’énergie et éloignent les centres de décisions du terrain tout en précarisant l’enseignement supérieur et la recherche qui subissent le rythme effréné des financements par projet, le tout dans l’opacité et la précipitation. Pour celles et ceux que ça intéresse : les projets sont ouverts et il sera toujours possible de s’y insérer s’ils sont lauréats.
- Vote du calendrier universitaire 2021–2022. Rentrée fixée au 20 septembre, le reste du calendrier en découle assez naturellement. Il a été question du passage de la notion de « seconde session » à celle de « seconde chance ». Globalement ça revient à un peu plus de souplesse. Attention à bien informer les étudiant·es, au début du semestre, des modalités de contrôle des connaissances en vigueur dans leur formation.
- Vote de la répartition des enveloppes de primes de responsabilités pédagogiques par composante. Charge à chaque composante d’assurer la distribution en interne ensuite.
- Vote des nouveaux statuts des Écoles doctorales qui fixe un cadre de fonctionnement communs aux 4 ED de l’Université, déjà voté à l’unanimité à la Commission recherche.
- Vote de la possibilité de prolonger jusqu’à 6 ans les « contrats d’enseignement et de recherche » qui permettent de recruter des artistes et journalistes qui ne satisfont pas aux critères de recrutement des PAST/MAST.
- Vote de la prolongation de l’agrément pédagogique concernant les vacataires chargé·es de cours qui passe de trois ans à dix ans
- Point d’information sur la prime d’encadrement scientifique (PES) qui augmente avec le protocole de la LPR dès cette année : +1090€/an pour les MCF, +580€/an pour les PR, +286€/an pour les PRAG/PRCE, et rien pour les ITRF à Paris 8 car le socle indemnitaire local est déjà plus haut (et d’application plus large) que les recommandations du ministère même après les augmentations. Les augmentations vont se poursuivre jusqu’en 2027.
Nous avons profité de ce point pour rappeler que nos organisations syndicales se battent nationalement pour une revalorisation indiciaire (du point d’indice) et non indemnitaire (des primes). Le point d’indice est gelé depuis 2010 à l’exception de minuscules augmentations en 2016 et 2017. - Point d’information sur les conventions recherche et sur d’autres conventions.
Saint-Denis, le 31/05/2021.
Vos élu·es CA.
Résistons !