Comptes financiers 2020, rentrée 2021, et luttes actuelles…

Ce vendredi 23 avril, deux mois et demi après les élections des conseils centraux, puis celles des personnalités extérieures, et enfin de la présidente, le CA a été convoqué pour traiter des affaires courantes, suivi d'un CA restreint aux seuls enseignant·es-chercheur·es. Les élu·es, en dépit de demandes répétées, n'ont eu accès au calendrier des conseils qu'une semaine avant. La séance, qui se déroule en visioconférence, va durer plus de huit heures (de 9h30 à presque 18h), pause déjeuner inclue… Nous avons donc choisi de produire ici compte rendu sélectif organisé par thématiques plutôt que de servir un déroulé chronologique des huit heures de réunion.
Ce compte-rendu s'appuie sur la prise de notes commune des élu·es Résistons ! et Solidarité Étudiante pendant cette séance du Conseil d'administration.

  1. Comptes financiers 2020
  2. Rentrée 2021
  3. Luttes actuelles
  4. Vite fait, bien fait

Comptes financiers 2020

C'est le plat de résistance indigeste de la matinée. Pour le dire très vite : les comptes financiers retracent la manière dont le budget 2020 a été exécuté, là où ce dernier, voté en décembre 2019, constituait une prévision des recettes et des dépenses. Les comptes distinguent la Comptabilité générale, qui retrace les recettes et opérations engagées, même si elles n'ont pas été encaissées et décaissées au cours de l’exercice comptable 2020, et la Comptabilité budgétaire, qui se concentre, elle, sur ce qui est réellement encaissé et décaissé durant l'année. Croix de bois, croix de fer, les élu·es seront formé·es avant l'hiver, et même avant l'été ! Ce n’est pas du luxe étant donné que chaque année trois à quatre séances du CA sont consacrées à ces questions : budgets initial et rectificatifs et comptes financiers. D'autant que les réformes successives de l'État et, pour les universités, la LRU (loi Liberté et responsabilités des universités), qui a permis en 2012 le passage aux RCE (Responsabilités et compétences élargies), ont rendu les comptes – et leur contrôle – plus complexes et plus opaques aux non spécialistes.

Qu’à cela ne tienne, les élu·es ont disposé de moins d'une semaine pour examiner trois documents distincts totalisant une cinquantaines de pages et de nombreux tableaux indigestes : d'abord, le rapport de gestion présentant et défendant l'exercice écoulé ; ensuite, les tableaux budgétaires sur lesquels le CA vote, accompagnés de tableaux secondaires pour information ; enfin, une annexe règlementaire, fournissant d'autres tableaux et précisions dont la finalité est d'“améliorer la qualité comptable et la transparence de l’information financière” qui peine à atteindre le but recherché !

Présentation et certification des comptes

La présentation sur diapos est commentée à plusieurs voix. Par ordre d’apparition : Yves Benedetti, agent comptable ; Aziz El Baroudi, directeur du pilotage et des affaires budgétaires et financières (DPABF) ; Lucile Chérubin, VP “Moyens et budget” ; Marc Loubet, directeur général des services adjoint (DGSA) en charge du pilotage des moyens, des emplois et de la masse salariale ; Valérie Riou, commissaire aux comptes, en charge de leur certification.

Comment donc notre université s'est-elle comportée financièrement au cours de l’année 2020, année chamboulée par la crise sanitaire ?

Dès l'annonce du confinement de mars 2020 : mise en place immédiate des aides d'urgence aux étudiant·es (1,4 millions sur l'année) et aux personnel·les et mise en attente des factures, ce qui a entraîné à la fois des dépenses imprévues mais aussi une moindre exécution des dépenses. La dotation d'État (plus de 125M€) a été abondée pour faire face aux besoins en aides d'urgence. Le résultat de l'année 2020 est, de fait, excédentaire de 5 millions, essentiellement en raison de la baisse des dépenses de fonctionnement courant : moins de chauffage, de gardiennage, de fluides dus à la crise sanitaire : c'est une situation que l'on retrouve dans les autres universités et partout ailleurs. Les chiffres de 2020 sont exceptionnels et dénotent une sous exécution du budget dû à empêchement de certaines activités.

Un focus par le DGSA sur la masse salariale et les emplois nous hérisse le poil. Les élus de Résistons ! font chauffer le tchat ! C'est que l'on parle de “maîtrise de consommation des emplois”, de titulaires qui “consomment beaucoup de masse salariale”, de “cotisations de pension civile”, mais aussi de “charges patronales importantes” des “titulaires de la fonction publique” qui “pèsent vraiment beaucoup”.

Lorsque les cotisations deviennent… des charges, l'déologie libérale, voire néolibérale, devient pleinement assumée ! Autant dire que les besoins des étudiant·es, leur accueil, la qualité de l'enseignement, sans parler de la qualité de vie au travail des personnels enseignant·es comme BIATOSS pèsent de peu de poids et s'effacent derrière des objectifs exclusivement tendus vers la diminution du plafond global des emplois (moins 4% depuis 2017). En 2020, le ratio masse salariale / recettes encaissées est pour la première fois depuis cinq ans inférieur au seuil d'alerte et même au seuil de vigilance (79% contre respectivement 83 et 82%).

Ceci dit, maîtriser la “consommation des emplois” et “consommer moins de masse salariale” peuvent-ils constituer les objectifs d'une mandature ?

En 2020, “de nombreux contractuels BIATOSS ont été basculés sur le budget État”. Combien ? Mystère ! Les tableaux nous montrent seulement que douze BIATOSS qui ont vu leur CDD transformé en CDI après six années de contrats précaires sur des missions pourtant pérennes n'avaient pas été budgétés. Sans doute une défaillance du pilotage de la masse salariale… En 2020 également, l'université a adhéré au régime de l'assurance chômage pour les non-titulaires. Cette protection et ce droit des collègues précaires n'est là encore relevé que comme surcoût.

La commissaire aux comptes (cabinet Mazars), après avoir précisé qu'elle ne rend pas d'opinion sur l'exécution du budget mais sur la conformité à une instruction de la DGFIP (Bercy), indique que les comptes de Paris 8 sont certifiés avec les mêmes deux réserves, moins prononcées, que les années précédentes : la première réserve a trait aux “immobilisations corporelles” (bâtiments, mobiliers, etc.) et “incorporelles” (logiciels, etc.) dont certaines durées d'amortissement ne sont pas dans les clous ; la deuxième réserves a trait aux dépenses : demeure une incertitude sur la remontée et la comptabilisation des factures de certains fournisseurs. Bref, une suspicion d'évaporation !

Questions sur les comptes : échantillon sélectif

S. Lapoix (Solidarité étudiante) pose plusieurs questions sur l'aide sociale aux étudiant·es.

  1. Qu'est-ce qui a motivé, au début de la crise sanitaire, un éventuel accord avec Carrefour sur les bons alimentaires distribués ?
    Réponse : Situation d'urgence dérogatoire des règles de service public : la réactivité de Carrefour et leur implantation sur le territoire dans une configuration où les courses alimentaires devaient être réalisées à proximité du domicile.
  2. Pourquoi, dans le tableau des grandes évolutions, l'aide sociale aux étudiant·es n'apparaît pas [alors que c'est l'un des principaux postes des dépenses de fonctionnement comme les élus de Résistons ! l'ont également relevé] ?
    Réponse : Pas de chiffres isolés pour les années antérieures.

Bien que perdreaux de l’année, les élu·es de Résistons ! se jettent dans le grand bain. Ils font d'abord remarquer que les documents fournis ne permettaient pas de s'y retrouver : absence de titres, pagination défaillante, numérotation des tableaux budgétaires non suivie, informations éparses au sein des documents ne facilitant pas la compréhension globale, sigles pas toujours définis ou deux pages après avoir été mobilisés… Concernant ces derniers, un glossaire lors des votes du CA sur le budget et sur les comptes financiers serait à l'avenir bienvenu.

Puis ils soulèvent trois questions sur les tableaux budgétaires soumis au vote :

  1. Sur l'emploi. Le décalage entre la prévision budgétaire et l'exécution est considérable : plus de 100 emplois ETPT (équivalents temps pleins travaillés) en moins. Pour les seuls emplois sous plafond État, c'est 40 titulaires en moins chez les EC et 45 chez les BIATOSS. La sous exécution est également importante pour les emplois en CDD financés hors subvention État. Comment cela s'explique-t-il, compte tenu que cela ne peut être attribué à la situation sanitaire, particulièrement pour les emplois d’enseignant·es ?
    Réponse : telle un mantra : le levier, c'est la maîtrise des emplois, on doit faire preuve de plus de pédagogie. On nous précise aussi que l'État fixe un plafond d'emplois sans donner la subvention permettant de l'honorer : “si on atteignait le plafond, on se ferait taper sur les doigts par le Ministère”.
    Certes, mais cela n'explique pas que les prévisions budgétaires soient à ce point déconnectées de ce que l'on en fera quelques mois plus tard… Nous y serons attentifs pour le budget 2022, le premier que nous aurons à voter : il ne faudra pas nous faire prendre des vessies pour des lanternes !
  2. Sur les dépenses de fonctionnement. L'écart entre le montant prévu au budget rectificatif et le montant exécuté est attribué à la situation sanitaire : baisse de certaines dépenses (gardiennage, chauffage, fluide…) et reports de paiements. Quelle est la part approximative des reports de paiements qui impactent le budget 2021 ?
    Réponse : à côté de la question : diminution des frais de mission, de réception, de gardiennage, etc. que l'augmentation des dépenses de consommables, de nettoyage renforcé et des aides sociales n'ont pas compensé. Les écarts d’exécution sont normaux. Ah bon ?
  3. Quels investissements concrets ont pâti de la crise sanitaire et n'ont pas été réalisés ?
    Réponse : pas de réponse…

À l'issue du vote (les élu·es d'opposition se sont abstenu·es) la présidente manifeste le souhait que les comptes s'améliorent et qu'à l’avenir les réserves soient levées. Pour la nouvelle mandature Lucile Chérubin cède la Vice-présidence “Moyens et budget” à Max-André Boulanger.

Rentrée 2021

Capacités d'accueil des L1 et des BUT pour la rentrée 2021.

Les élu·es Résistons ! font la proposition d'un vote contre unanime du CA pour donner des billes aux personnes qui vont représenter notre université dans ses négociations avec le rectorat concernant les capacités d'accueil que le rectorat fixe, sans avoir à en subir les conséquences, et sans pourtant prendre en compte les demandes des équipes pédagogiques qui sont elles sur le terrain face aux étudiant·es. Les « capacités » fixées par le rectorat sont jusqu’à deux fois supérieures à ce qui est demandées par certaines formations !

Des élues étudiantes de la liste Solidarité Étudiante et de l'UNEF soutiennent la proposition. L'élue étudiante de la liste Le Poing Levé votera également contre pour une autre raison (le principe même des capacités d'accueil limiterait l'accès aux études supérieures).

Suite à cela un certain nombres de prises de paroles vont dans le même sens, mais la majorité refuse le principe du vote contre (il ne faudrait pas que le rectorat nous prenne pour des mauvais élèves…).

Finalement, les capacités d'accueil sont votées à 16 pour, 8 contre, et 5 abstentions.
Et la motion suivante est adoptée à l'unanimité :

Le CA de Paris 8 réuni le 23 avril 2021 souligne le manque de moyens pour accueillir les étudiant·es dans les formations de notre université et plus largement dans l'ESR français, alors que plusieurs dizaine de milliers d’étudiant·es supplémentaires le rejoignent chaque année. Au moment où la précarité étudiante n'a jamais été aussi forte en raison de la crise sanitaire, il appelle à un investissement massif et à la création de postes pérennes d'enseignant·es-chercheur·es et d'administratifs dans les universités pour assurer des conditions d’accueil et d’enseignement dignes à nos publics et nos missions de formation et de recherche.

Équipement sanitaire pour la rentrée 2021

Lors des questions diverses en fin de séance, les élu·es Résistons ! demande si l'Université commence à préparer la rentrée 2021 par rapport à la crise sanitaire. Notamment, est-ce que des mesures concrètes comme l'achat de détecteurs de taux de CO2 pour équiper les bureaux et salles de cours est prévu. Ils et elles expliquent que cela permettrait de reprendre sereinement les activités sur nos campus ou, quand c'est nécessaire, d'agir en fonction d'indicateurs concrets par exemple sur les besoin d'aération et les jauges d'occupation maximale des salles.

La réponse de la direction de l'université est plutôt molle et aucune information concrète n'est donnée autre que “[la rentrée] commence à être le sujet”.

Luttes actuelles

Fachos hors de nos facs !

Lors des questions diverses en fin de séance, les élu·es de la liste Solidarité Étudiante propose au Conseil d’administration d'adopter comme motion le communiqué unitaire antifasciste déjà signée par Solidaires Étudiant·es, la CGT FERC Sup Paris 8, la Dionysoise, SUD Éducation Paris 8, et le RUSF. Ce communiqué, qui faisait suite à l'action d'une organisation fasciste qui s'est affichée à l'intérieur de Paris 8 sur les réseaux sociaux, réaffirme que nous ne tolérons pas les fascistes dans notre université.

Des réticences au vote du communiqué sont exprimées par certain·es membre du Conseil. Il est finalement décidé d'adopter (à l’unanimité moins une voix contre) la motion suivante :

Face aux dénonciations calomnieuses et aux menaces dont notre université a été victime ces derniers mois, le CA de Paris 8 réuni le 23 avril 2021 rappelle l'attachement de Paris 8 aux principes républicains de liberté d’expression, de libertés académiques, de respect des personnes, de constructions de savoirs critiques et indépendants et d'émancipation.

Victoire des précaires à Nanterre

Les élu·es Résistons ! ont ensuite informé le Conseil de la victoire obtenu par un collectif de précaire à Nanterre : la contractualisation d'office de l'ensemble des doctorants-vacataires (!) permettant une hausse de salaire (le salaire pour un doctorant-vacataire en charge de 64hTD sera multiplié par 4), une prise en compte d'une “part recherche” dans le calcul du salaire, et enfin l'accès à un certain nombre de droits sociaux (droit au chômage / cotisation retraite).

Nous proposons à la direction de l'université de faire en sorte de pouvoir mettre en place la même chose à partir de la rentrée 2021 à Paris 8.

La réponse de la direction est de demander à avoir accès à plus de détails (qui leur ont été immédiatement transmis) pour étudier la question puis rapidement ils ont commencé à s'embourber dans des phrases du genre “il y aura forcément des priorisation à faire”… témoignant de leur mauvaise volonté quand il s'agit de lutter contre la précarité.

Vite fait, bien fait

Parmi les autres points à l'ordre du jour de ce Conseil d'administration, en voici quelques uns en vrac, sans que nous ayons nécessairement de commentaire à faire dessus.

  1. En début de séance on nous a demandé de voter pour valider les comptes-rendus des deux dernières séances de CA de la mandature précédente… dans laquelle nous ne siègions pas.
    S. Lapoix (Solidarité étudiante), qui siégeait déjà lors de la précédente mandature, demande que les comptes rendus ne soient pas approuvés cinq mois après la tenue des CA…
  2. Le CA a délégué une partie de ses pouvoirs à la présidente de l'université. Cette délégation a vocation au début de chaque mandature à rendre possible le fonctionnement ordinaire de l'université, le CA ne pouvant être réuni tous les deux jours. Elle peut être étendue, mais aussi réduite en cours de mandat.
    Nous nous sommes abstenus.
  3. Diverses désignations de membre du CA dans d'autres conseil ont eu lieu :
    • Bertrand Guillaume est élu (seul candidat) au Conseil d'orientation des PUV (Presses universitaire de Vincennes) ;
    • Marie Nadia Karsky (élue CA, seule candidate) et Jean-François Dussigne (EC externe au CA, parmis 6 candidat·es) sont élu·es au CoRI (Conseils des relations internationales) ;
    • Max-André Boulanger, nouveau VP “Moyens et budget”, prend la suite de L. Chérubin pour le CA au FSDIE (Fond de solidarité et de développement des initiatives étudiantes).

Voilà qui conclut ce long compte rendus…

Vos élu·es CA.
Résistons !