Réponse au communiqué de France Université du 21 mars 2025
Chers et chères collègues,
Dans votre communiqué du 21 mars 2025, vous constatez que l’évaluation de la vague E a engendré de « l’incompréhension et de la colère » chez « certains » enseignant·es-chercheur·es. « Certains » dites-vous ? Les très nombreuses remontées qui nous arrivent de nos collègues, responsables de diplômes, épuisé·es par un exercice d'« auto-évaluation » inepte nous disent clairement tout autre chose que les euphémismes auxquels vous avez recours. Les témoignages s’amoncellent pour pointer à quel point ces évaluations, qui n'ont donné lieu à aucune visite approfondie, ni aucune rencontre ou audition digne de ce nom avec les enseignant·es, s'appuient essentiellement sur des indicateurs chiffrés pauvres et biaisés. Elles reposent en outre sur des critères construits de façon opaque, et contradictoires entre eux.
Les méthodes employées pour cette « auto-évaluation » sont à la fois indigentes sur le contenu et extrêmement chronophages pour les équipes. Elles semblent liées aux préconisations de cabinets de conseil privés se présentant comme « experts de l'évaluation des politiques publiques ». À quoi cela aboutit-il ? À réduire le travail de formation et d'enseignement des disciplines à trois indicateurs chiffrés (« professionnalisation », « internationalisation », « taux de réussite ») n'ayant fait l'objet d'aucune consultation préalable, construits sans aucune transparence et à pratiquer le « benchmark » des universités et des formations, comme s'il s'agissait du marché des camemberts ou de la lessive. Les équipes qui s'investissent pour former des centaines de milliers d'étudiant·es méritent mieux que cela.
Que France Universités ne soutienne pas la remise en cause de cette évaluation indigne et indigente n’est malheureusement guère étonnant. En effet, cela fait longtemps que France Universités, qui ne saurait en aucun cas représenter les travailleurs et travailleuses de l’ESR et n’a aucun mandat pour le faire, marche main dans la main avec le MESR, l’accompagnant sans barguigner dans toutes les réformes destructrices qui entraînent l’ESR vers l’abîme.
Par ailleurs, ce qui s’est passé avec l’évaluation de la vague E est particulièrement grave et a des conséquences importantes sur les conditions de travail et la santé des travailleurs et travailleuses de l'ESR. Le mépris, le déni du réel des formations et de notre travail, l'opacité, le flou des calendriers qui alimentent notre inquiétude quant à l’avenir de nosformations, de nos emplois… Tout cela a un coût humain élevé qui engage la responsabilité civile et pénale des employeurs que vous êtes.
Pour retrouver « un climat apaisé » vous proposez donc de vous engager dans un travail commun avec le HCERES et d’en faire « un moyen de fédérer davantage la communauté universitaire dans son ensemble ».
Nous ne sommes pas d'accord avec cette manière de faire qui consiste à régler les problèmes en haut lieu, en se moquant de ce que les principaux intéressés (responsables de diplômes, porteurs de maquette LMD 5, étudiant·es dont l’avenir se tisse dans les formations, etc.) pourraient proposer.
Dans le contenu et dans le titre même de votre communiqué, vous revendiquez une évaluation de l’ESR « indépendante, exigeante et qualitative ». Nous sommes bien d’accord. Même si l’on est en droit d’interroger le fait d’une évaluation nationale cadencée de manière rigide et fondée sur des critères opaques imposés d’en-haut, construits à partir d’indicateurs jamais mis en discussion au sein de la communauté universitaire.
Vous souhaitez une instance d’évaluation par les pairs « indépendante, exigeante et qualitative » ? Surprise ! Elle existe déjà dans l’Enseignement Supérieur et la Recherche. Elle est composée de sections dont tou·tes les membres, nombreux, connaissent intimement les contenus qu’ils et elles évaluent. Dans leur grande majorité (deux tiers), ces membres sont élu·es, c’est donc une instance démocratique. Les critères d’évaluation qu’ils et elles utilisent sont discutés collectivement et mis en ligne. Les rapports établis sont signés. Cette instance s’appelle le CNU (Conseil National des Universités).
Si vous voulez réellement défendre une évaluation par les pairs, juste, transparente et démocratique (ce qui ne veut pas dire qu'elle n'affronte aucun problème), alors faites en sorte de défendre le CNU !
Ou bien laissez-nous faire, nous sommes les mieux placé·es, au sein de nos établissements, pour construire de l’évaluation pédagogique digne de ce nom
Le 2 avril 2025, l'intersyndicale Résistons ! de l'Université Paris 8




